Les sans-papiers au Luxembourg:

au-delà des préjugés et des fantasmes

6. Propositions concrètes et revendications

Ces revendications ont été élaborées par l’ASTI et le CLAE et présentées au Ministre de l’Immigration et de l’Asile en 2019.

Nous entendons par régularisation, la mise en situation administrative régulière de personnes ressortissantes de pays tiers, se trouvant sur le territoire du Luxembourg depuis une période déterminée, sans autorisation de séjour valable, qu’elles soient majeures ou mineures.

 

Dans ce cadre, nous proposons deux démarches :

1. Une mesure de régularisation extraordinaire sur une période limitée qui devrait être mise en œuvre prioritairement pour des personnes déjà présentes au Luxembourg remplissant certaines conditions

Pour établir les critères de la régularisation extraordinaire, un groupe d’experts, comprenant les différents ministères ainsi que des acteurs de terrain, pourrait être mis en place. Cela assurerait la cohérence ainsi que la faisabilité du projet. Le groupe peut s’inspirer des critères de la régularisation extraordinaire de 2013, dont les conditions étaient d’avoir travaillé et résidé pendant neuf mois consécutifs (sur les 12 derniers mois) sur le territoire luxembourgeois et de présenter un contrat de travail à durée indéterminée de l’employeur qui les avait employés irrégulièrement.

Pour ce qui est des personnes vulnérables dont l’accès au marché du travail est impossible, que ce soit pour des raisons de santé ou d’âge avancé, il y a lieu de s’inspirer des conditions actuellement prévues dans l’article 89 de la loi sur la libre circulation et l’immigration, à savoir 4 années de séjour au Luxembourg, cependant sans appliquer la condition d’une promesse d’embauche. Dans ce cadre, le droit à la santé doit être pris en considération.

2. Modification de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration afin de limiter le plus possible les situations de non-droit et d’éviter ainsi à l’avenir le recours à des régularisations exceptionnelles

Le séjour et le travail irréguliers au Luxembourg découlent souvent des difficultés des ressortissants de pays tiers à obtenir et maintenir une autorisation de séjour. Les conditions excessivement strictes imposées par notre législation, notamment l’obligation de l’introduction de la demande avant l’entrée sur le territoire luxembourgeois, peuvent donner une perception erronée d’une immigration maîtrisée. D’un autre côté, l’inexistence d’un mécanisme permanent de régularisation par le travail dans la loi est elle-même génératrice de situations de séjour irrégulier.

D’autres pays, comme le Portugal ou l’Espagne, permettent aux ressortissants de pays tiers de régulariser leur situation tout en étant déjà sur leur territoire.

Pour le Luxembourg, une modification de la législation sur la matière a non seulement une portée pratique fondamentale pour les personnes concernées mais surtout un apport important à la lutte contre l’exploitation humaine, pour une société plus juste et équitable. 

Quelques arguments pour une régularisation

Au centre de nos préoccupations : la dignité humaine et les droits humains

Les personnes en situation irrégulière, se trouvent non seulement en situation de vulnérabilité administrative permanente, mais aussi économique et sociale. Le Luxembourg, État de droit démocratique, membre fondateur de l’Union Européenne, ardent défenseur et promoteur des Droits Humains, doit réagir face à ces situations de détresse. Sortir ces personnes de cette situation de non-droit est pour nous une obligation humanitaire. La crise sanitaire, l’inflation, la guerre en Europe ont aggravé la situation des personnes en les rendant encore plus vulnérables et précaires.

La lutte contre le travail clandestin, l’exploitation par le travail et la traite des êtres humains

Dans le cas des travailleurs en situation irrégulière, une régularisation est pour toutes les parties concernées toujours gagnante : le travailleur peut faire valoir ses droits et l’État voit ses recettes augmenter avec de nouveaux contribuables. Une dimension non-négligeable d’une régularisation est la maitrise de l’immigration irrégulière, la lutte contre le travail clandestin, l’exploitation, les discriminations et les abus, y compris la traite des êtres humains.

Répondre aux besoins de main-d’œuvre dans certains secteurs.

Les appels publics de la part de certaines associations patronales le démontrent clairement, au même titre que les statistiques officielles de l’Administration de l’emploi.

Qui serait ciblé par une régularisation?

  • Ressortissants de pays tiers qui travaillent déjà mais sans autorisation ;
  • Ressortissants de pays tiers qui ont déjà eu une autorisation de séjour et qui ne se sont pas vu renouveler cette autorisation ;
  • Demandeurs de protection internationale déboutés du droit d’asile;
  • Personnes sans autorisation de séjour en situation vulnérable: personnes inaptes au travail dû à leur âge ou à leur état de santé;
  • Membres de famille des personnes régularisées;
  • Familles ayant un enfant né ou/et scolarisé au Luxembourg, sans interruption de leur présence sur le territoire national.

Les modifications légales nécessaires pour éviter de générer des irrégularités

Article 89: nous recommandons de ne pas exclure les familles qui se sont soustraites à l’éloignement;

En effet, la décision prise par les parents de ne pas rentrer dans le pays d’origine est considérée comme le fait de s’être soustrait à une mesure d’éloignement, ce qui empêche la régularisation des enfants qui vivent pendant des années dans des conditions de fragilité et de vulnérabilité et ne peuvent pas bénéficier d’un environnement sûr et propice à leur bon développement comme cela est stipulé dans l’article 3 de la Convention Internationale des droits de l’Enfant. La décision du refus, administrative ou judiciaire, ne prend pas en considération les efforts d’intégration de ces enfants et les répercussions qu’elle a sur leur développement émotionnel et psychologique.

Assouplissement et élargissement du mécanisme actuel de régularisation par le travail et permission aux personnes seules ou aux couples sans enfants de régulariser leur situation au même titre que les familles avec enfants (article 89);

Cette possibilité est offerte exclusivement aux familles ayant des enfants scolarisés depuis au moins 4 ans au Luxembourg, disposant de moyens de subsistance suffisants et ne s’étant pas soustraits à une mesure d’éloignement, excluant d’office toutes les autres personnes.

Prévoir des mesures d’accès au séjour régulier pour les personnes vulnérables vivant depuis de nombreuses années au pays mais ne pouvant pas être régularisées par le travail;

Offrir la possibilité aux personnes en séjour régulier dans un autre Etat membre de l’Union Européenne d’obtenir une autorisation de séjour et de travail au Luxembourg de façon simplifiée;

Le Luxembourg plaide, à juste titre, pour une harmonisation plus poussée des politiques d’immigration et d’asile au niveau de l’Union Européenne. Cette modification aurait en premier lieu l’avantage pratique de simplifier les procédures, facilitant le travail de l’administration et donnerait l’exemple à nos partenaires de l’UE.

Toute autorisation de séjour devrait donner accès au marché de l’emploi; 

Le statut de membre de famille d’un autre ressortissant pays tiers (mariage avec un résident non européen du Luxembourg) donne droit à un titre de séjour, sous certaines conditions, mais pas à un permis de travail. D’autres autorisations de séjour ont le même problème comme par exemple le titre de séjour pour raisons privées. L’accès au travail est quasiment impossible, étant donné que la loi sur l’immigration impose le passage par le test de marché. Cela crée de nombreuses irrégularités et souvent pousse les personnes vers le travail non déclaré.

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7 Epilogue: Contexte européen présenté par PICUM
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