Les sans-papiers au Luxembourg:

au-delà des préjugés et des fantasmes

1. Définitions et terminologie

Migrant illégal ?

L’utilisation de l’expression migrant illégal n’est pas neutre. Elle est stigmatisante, polarisante et légalement incorrecte.

Quand l’ASTI affirme que personne n’est illégal, ce n’est pas seulement une phrase accrocheuse de militants qui soutiennent les droits des migrants, c’est de la réalité!

Dire qu’une personne est illégale revient à dire que celle-ci, par son existence même, serait incompatible avec l’État de droit. Cela est absurde et n’a pas de sens ni d’un point de vue juridique, ni d’un point de vue logique.

Cette expression manipule l’opinion publique et fait un amalgame entre immigration et criminalité. Tout cela peut conduire à des perceptions et des actions qui ont un impact négatif sur la réalité quotidienne des personnes concernées.

Faites l’exercice :
Vous ne diriez pas à un employeur qui n’a pas payé les heures supplémentaires de ses salariés que c’est un employeur illégal. Vous ne diriez pas non plus à un conducteur qui grille un feu rouge que c’est un conducteur illégal.

Les personnes ne peuvent pas être illégales, seuls des actes peuvent l’être.

Sans-papiers ?

L’expression sans-papiers est peut-être la plus populaire, souvent utilisée par les personnes concernées et dans le langage courant. Il ne s’agit pas d’une expression discriminatoire en-soi, ceci-dit elle peut prêter à confusion: être sans-papiers ne signifie pas forcément ne pas avoir de papiers du tout.

La majorité des personnes qui sont considérées des personnes sans-papiers sont en réalité des personnes qui ont un passeport, un acte de naissance et d’autres papiers d’identité nationaux de leur pays d’origine. Ce à quoi on se réfère en utilisant l’expression sans-papiers, c’est les autorisations de séjour et de travail dans le pays où se trouve effectivement la personne.

Les migrants se déplaçant sans aucun document d’identité sont en réalité une minorité.

Migrant en situation de séjour irrégulier ou migrant en situation administrative irrégulière sont les expressions les plus adaptées et correctes pour parler de migrants n’ayant pas d’autorisation de séjour.

Ces expressions décrivent avec plus de précision la situation: il s’agit d’une personne qui n’a pas rempli les conditions imposées par la démarche administrative qui vise l’obtention d’une autorisation de séjour.

L’irrégularité renvoie à la situation d’une personne à un certain moment ou à une certaine période de sa vie, et non à la personne elle-même.

L’ASTI ne peut pas avancer de chiffre exact, cependant nous avons quelques points de repère qui nous permettent d’avoir une idée de l’ampleur du phénomène :

L’aide alimentaire de l’ASTI destinée aux personnes sans autorisation de séjour

Depuis avril 2020, l’ASTI a mis en place une distribution de bons alimentaires pour personnes en situation de séjour irrégulier. Cette action, financée par des dons privés et le soutien de fondations, a été lancée pour permettre aux personnes ayant perdu leurs revenus suite à la pandémie de Covid19 d’avoir accès aux produits de première nécessité dans les épiceries sociales gérés par Caritas et la Croix-Rouge. 450 personnes ont bénéficié de ce soutien, dont 160 mineurs.

Les dernières régularisations faites au Luxembourg

Lors de la dernière régularisation extraordinaire qui a eu lieu au Luxembourg, 543 personnes en situation de séjour irrégulier se sont vues accorder une autorisation de séjour. 664 dossiers avaient initialement été déposés. Les conditions à remplir étaient définies par le Ministère du Travail et le Ministère de l’Immigration et incluaient la preuve de 9 mois de travail sur les 12 derniers mois écoulés, un casier judiciaire vierge au Luxembourg comme dans le pays d’origine et un employeur qui propose un contrat de travail à durée indéterminée.

Les estimations internationales

La population de migrants résidant en Europe sans autorisation de séjour a été estimée en 2008 par une équipe de chercheurs européens financée par l’UE dans le cadre d’un projet appelé Clandestino. Cette étude estimait qu’entre 1,9 et 3,8 millions de personnes vivaient en situation irrégulière dans l’UE. Cela représentait de 0.4 % à 0,8 % de la population totale.

Presque 10 ans plus tard, en 2017, le PEW Research Center, un groupe de chercheurs américains indépendants, fait une étude démographique et estime qu’entre 3,9 millions et 4,8 millions de personnes vivent dans l’UE sans autorisation de séjours. Au 1er janvier 2017, la population de l’Union européenne était estimée à 511,8 millions de résidents.

Chapitre suivant

2 Chiffres et réalités au Luxembourg
Translate...