Assemblée générale de l’Association de Soutien aux Travailleurs Immigrés

ASTI asbl 11 juin 2019 

Résolution politique 

En 2018, l’accueil des réfugiés a largement dominé l’actualité. La venue et l’intégration des nombreux nouveaux migrants (23.000 en 2018) sont pratiquement passées sous silence, comme si ces questions allaient se résoudre par magie. Or, parmi ces nouveaux venus se trouvent entre autres des travailleurs immigrés originaires de pays hors Union. Certains ont du mal à accéder au sésame des autorisations de séjour et de travail, souvent exploités sans vergogne par certains patrons. La problématique de ces sans papiers reste récurrente. Cette question mobilise pour l’instant peu d’organisations de la société civile, mais reste d’actualité à l’ASTI.

Avec plus de 23 000 personnes s’installant annuellement dans notre pays, la présence de 44% de salariés frontaliers et une population active de 71 % d’étrangers, le vivre ensemble est un défi quotidien.

Les tensions autour de l’accès à un logement abordable, la concurrence entre nouveaux migrants, frontaliers et résidents sur le marché de l’emploi, ainsi que l’utilisation des langues au quotidien, ravivent les propos populistes et racistes anti-étrangers, surtout sur les réseaux sociaux. L’ASTI n’a de cesse d’alerter la politique sur ces phénomènes. Or, notre demande de mise en place d’un observatoire du racisme, de l’antisémitisme et de la xénophobie est restée sans réponse à ce jour.

La proposition du Parlement en vue d’une nouvelle Constitution, qui dit dans son article 16.1.1 que « Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi » est inacceptable pour l’ASTI. Cette formulation est d’ailleurs fortement critiquée dans l’avis de la Commission de Venise[1] qui propose clairement de « revoir l’article 16.1.1 afin qu’il proclame le principe d’égalité devant la loi en général et non comme un droit réservé aux Luxembourgeois, en conformité avec le droit international »[2]

Une autre disposition dans la proposition de nouvelle Constitution pose problème, elle concerne le régime linguistique du pays. Selon l’article 4 de la proposition du Parlement, « La langue du Luxembourg est le luxembourgeois ». Ancrer un supposé monolinguisme dans la loi fondamentale ne nous paraît pas en concordance avec la réalité du pays au vu de la population multiculturelle qui est la nôtre et de la longue histoire du multilinguisme dans notre pays. D’ailleurs, l’actuelle Constitution et la proposition du Parlement sont écrites en langue française.

Sur base de ces constats, l’Assemblée Générale de l’ASTI, réunie le 11 juin 2019 :

  • interpelle la société luxembourgeoise dans son ensemble à considérer l’immigration comme élément constitutif de notre pays ;
  • appelle les femmes et les hommes politiques, que ce soit au niveau local, national ou européen, à tenir compte de cette dimension dans leurs actions sur le court, moyen et long terme ;
  • met en garde les responsables politiques, les médias et d’autres acteurs publics qui n’hésitent pas à verser dans les discours identitaires, anti-étrangers et anti-frontaliers : les clivages et la banalisation de la haine avec lesquels certains jouent détruisent notre cohésion sociale;
  • se réjouit que la proposition de nouvelle Constitution s’efforce d’être en phase avec les valeurs européennes consacrées par la Convention Européenne des Droits de l’Homme, comme le démontre la proposition d’ancrage constitutionnel du droit d’asile.
  • regrette que la proposition de révision portant instauration d’une nouvelle Constitution ne prenne pas en considération la diversité de la société luxembourgeoise, car elle maintient la séparation entre Luxembourgeois et étrangers et acte un supposé monolinguisme du pays qui ne correspond pas à la réalité ;
  • reste convaincue que la voie à suivre à moyen et à long terme pour mettre fin au déficit démocratique actuel, est la consécration du principe du droit de vote sur base de la résidence et non pas de la nationalité ;
  • revendique une diminution, voire une abolition de la condition de résidence de 5 ans pour qu’un étranger puisse s’inscrire sur les listes électorales communales ;
  • manifeste sa disponibilité pour contribuer au dialogue et à la discussion ouverte avec tous les acteurs politiques, associatifs, sociaux, économiques, culturels et autres, dans la recherche du renforcement de la cohésion sociale ;
  • propose la réalisation d’un large débat public sur le vivre ensemble impliquant aussi bien les autorités locales que nationale que la société civile, les étrangers et les Luxembourgeois, en vue d’une révision approfondie de la loi de 2008 sur l’intégration ;
  • réclame le développement d’un programme et d’une culture d’accueil au niveau national et communal (Willkommenskultur), s’inspirant des bonnes pratiques déjà existantes et soutenu activement par le gouvernement et les communes ;
  • demande que le nouveau Gouvernement consacre des moyens financiers conséquents aux politiques d’intégration, aussi bien des demandeurs et bénéficiaires de protection internationale, que des migrants qui continuent à venir nombreux au Luxembourg;
  • déplore fortement l’absence de soutien financier du Gouvernement au Guichet Info Migrants qui a dû réduire ses activités de moitié faute de financements ;
  • rend attentif au besoin d’une régularisation des sans-papiers au Luxembourg ;
  • propose la création d’un observatoire des phénomènes racistes et xénophobes, organisme de veille et de communication, doté de moyens matériels et humains correspondant à l’importance de l’enjeu ;
  • renouvelle son engagement pour une société nouvelle, solidaire, riche de sa diversité et pour un meilleur vivre ensemble !

adoptée à l’assemblée générale du 11 juin 2019

[1] Document parlementaire 6030/28 – page 6

[2] Article 26 du Pacte international sur les droits civils et politiques, auquel le Luxembourg est partie : « Toutes les personnes sont égales devant la loi… »

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