L’éducation au centre des préoccupations de l’ASTI

Après quelques années de moindre implication dans les politiques d’éducation, notamment en raison de la priorisation de son action sur l’accueil et l’intégration de réfugiés, l’ASTI est de retour, avec la préoccupation centrale de l’égalité d’opportunité pour tous. Dans un pays d’immigration, avec une diversité accrue et croissante de la population scolaire, les origines migratoires et les conditions socio-économiques ne doivent plus être les seuls facteurs déterminants pour le parcours scolaire des enfants et des jeunes !

Une éducation de qualité pour tous ?

« Une éducation de qualité pour tous » est le mot d’ordre du Ministre de l’Éducation pour la rentrée 2022-2023. Il s’agit d’un souhait auquel tout un chacun pourra se rallier. Pour l’Association de soutien aux travailleurs immigrés, il y a lieu de mettre en évidence quatre grands chantiers de cette rentrée :

  • L’extension de l’obligation scolaire de 16 ans à 18 ans (PL 7977) ;
  • Les modifications au niveau de l’accueil, de l’orientation et du suivi des élèves arrivant en cours de cursus scolaire (PL 8069) ;
  • La gratuité des services d’éducation et d’accueil ;
  • L’aide aux devoirs à domicile ;

L’obligation scolaire jusqu’à 18 ans

Pour l’ASTI, le projet de loi (PL 7977 – avis de l’ASTI en annexe) a ses mérites, mais il faut souligner que les solutions au problème du décrochage scolaire vont largement au-delà de l’extension pure et simple de l’obligation scolaire.

C’est pourquoi ce PL nous amène à pousser notre réflexion sur des questions bien plus profondes telles que :

  • La prise en compte des souhaits et des ambitions de l’enfant/du jeune pour son avenir ;
  • Le respect de l’intérêt de l’enfant/du jeune et surtout le respect de l’élève ;
  • La qualification appropriée de tous les enseignants et l’acquisition d’une éthique commune.

Pour l’ASTI, le projet de loi se lit comme un bréviaire de ce qu’est, à notre époque, un enseignement de qualité…mais pas encore de ce qu’est un enseignant de qualité !

Et voilà un sujet à traiter sans tabou dont la loi ne fait pas mention.

Quelle éthique, quels outils et formations offrir pour faire de nos enseignants des enseignants motivés, compétents et formés à notre société multiculturelle et multilingue ?

Une réflexion et une discussion concernant le fondement du travail des enseignants s’impose !

L’interculturalité fait sa rentrée à l’école luxembourgeoise par la grande porte

Le Ministre de l’Éducation a déposé récemment un projet de loi (PL 8069) qui donne, enfin, une base légale pour l’accueil, l’orientation, l’intégration et l’accompagnement scolaire des élèves nouvellement arrivés au Luxembourg.

L’ASTI se réjouit du projet de loi en question, tout en annonçant une analyse plus approfondie qui sera envoyée comme avis à la Chambre des Députés et sur lequel nous sommes en train de travailler.

Bien qu’ambitieuse, la proposition du ministre a dès le départ plusieurs mérites…

Tout d’abord, en assumant que le Luxembourg est un pays d’immigration et que l’interculturalité a une place primordiale dans un système d’enseignement dont la population scolaire est de plus en plus diverse.

Il est, par contre, regrettable que nous ayons attendu 50 ans pour légiférer afin de donner une base commune à l’accueil de ces enfants dans nos écoles.

Un autre regret est que les dispositifs prévus soient facultatifs. Rendre obligatoire le passage par le Service de l’intégration et de l’accueil scolaires (SIA) serait plus efficace, d’autant plus que l’application de la loi à venir et le travail du nouveau SIA seront fortement tributaires de la collaboration des écoles et des enseignants.

La gratuité des SEA, remède ou placebo ?

La nouvelle loi sur la gratuité des services d’éducation et d’accueil (SEA) est déjà d’application depuis le début de l’année scolaire. À première vue, le principe semble correct, dans le sens de la promotion de l’égalité des chances. Il se heurte néanmoins à plusieurs difficultés pratiques.

Tout d’abord, au manque de places et de personnel dans beaucoup de SEA.

Ensuite, les critères de prise en charge ne semblent pas toujours être les mêmes dans toutes les SEA, ce qui peut faire que des enfants dans le besoin ne soient pas admis, en faveur d’autres moins nécessiteux. Il faut analyser les critères appliqués pour entrer dans les structures d’accueil et les rendre communs et obligatoires. De plus, les listes d’attente s’allongent, sans analyse réelle du profil des enfants en attente.

L’éducation formelle est un droit, et aussi une obligation, pour tout enfant. Ne pourrait-on pas envisager aussi de définir une place dans une structure d’éducation non-formelle comme un droit ?

L’impact de la réforme peut aussi souffrir de l’absence de relations entre l’éducation formelle et non-formelle. Il est temps que la communauté scolaire envisage l’école à journée continue, sans séparation administrative entre le formel et le non-formel, qui devraient être totalement interconnectés dans l’approche des matières.

Finalement, pour que les SEA ne soient pas vues, par certains, comme de simples garderies et que les parents ne soient pas davantage déresponsabilisés par le principe de la gratuité, il faudra formaliser le rôle des parents dans ces structures.

Aide ou surveillance aux devoirs ?

Gestionnaire d’un service d’éducation et d’accueil depuis plus de 35 ans, l’ASTI est quotidiennement confrontée aux difficultés des enfants, accablés par la charge supplémentaire des devoirs à domicile. Il est hautement regrettable que la résolution qui avait été prise il y a quelques années, comme quoi les devoirs à domicile ne devaient pas aller au-delà de ce qu’un enfant peut faire seul, ait été abandonnée. Les devoirs à domicile, dans un pays d’immigration, avec une énorme hétérogénéité des compétences langagières et académiques des parents, sont un des principaux facteurs d’inégalité dans la réussite scolaire et donc de l’ascension sociale.

Mais puisque notre réalité, tel que l’acharnement de certains à faire travailler les enfants après l’école, résiste à toute tentative d’éradication, la formalisation du dispositif est en soi positive. La clarification des rôles respectifs des écoles et des SEA est aussi louable, sauf que, pour l’ASTI, une simple surveillance des devoirs, comme cela semble être le cas à l’heure actuelle, ne va pas assez loin : les éducateurs des structures d’éducation et d’accueil devraient être autorisés à aider les enfants à faire ces devoirs ! Qui a peur de plus de synergies entre le formel et le non-formel, et pourquoi ?

Reste la mise en pratique, qui s’avère être encore déficitaire. Les pannes au démarrage, par exemple en matière d’accès aux comptes informatiques nécessaires pour le travail, ainsi que la question du manque de places dans les structures, peuvent impacter négativement une réforme qui, en principe est positive.

Vaut mieux tard que jamais !

D’une façon générale, l’ASTI se réjouit des différentes réformes annoncées et mises en pratique en cette année scolaire 2022-2023. Encore faut-il améliorer certains dispositifs de ces réformes, et aller plus loin dans d’autres.

En tout cas, il est regrettable qu’il ait fallu attendre plus de 50 ans pour essayer d’adapter notre système d’enseignement à la réalité et aux besoins de la migration et que plusieurs générations aient grandi dans la fatalité qui fait que le parcours scolaire est davantage déterminé par leurs origines que par leurs compétences et leurs aspirations.

Nous osons espérer qu’il n’y aura plus de retour en arrière ! L’ASTI y veillera en bon accompagnateur…

ASTI asbl, 3 octobre 2022

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