Il y a maintenant 6 mois, le cas d’une jeune femme brésilienne qui a porté plainte contre son employeur pour violence et exploitation par le travail avait eu beaucoup d’attention médiatique. Après avoir porté plainte, la jeune femme s’est fait confisquer son passeport et a reçu une notification d’éloignement de la part de la Direction de l’Immigration du Ministère des Affaires Étrangères car elle n’avait pas d’autorisation de séjour. 

Le 28 juin, le Ministre de l’immigration et de l’Asile, Jean Asselborn, décide, à la suite d’une question parlementaire, de suspendre l’éloignement de l’intéressée.

Le 26 novembre l’ASTI, qui a demandé la régularisation de la victime, reçoit une réponse positive de la Direction de l’Immigration: la jeune femme sera régularisée sur base de l’article 98bis de la loi sur la libre circulation des personnes et l’immigration. L’article, inclus dans la loi en 2018, prévoit une possible délivrance d’une autorisation de séjour pour “les victimes d’une infraction à l’interdiction de l’emploi de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier commises dans des circonstances aggravantes (…)”. C’est la première fois qu’une personne se voit délivrer un titre de séjour en invoquant cet article. Il s’agit d’un pas très important dans la bonne direction et d’un message fondamental pour les victimes: Même sans-papiers, elles ont des droits!

Bien que l’ASTI se réjouit de l’application de l’article 98bis dans le cas concret de la jeune femme brésilienne, ce cas nous a également montré qu’il existe encore des lacunes dans la gestion des cas de violence et d’exploitation envers les migrants sans autorisation de séjour. En attente d’une réponse de la Direction de l’Immigration, la victime – si elle ne tombe pas dans le programme pour victimes de traite des êtres humains – ne reçoit ni un soutien financier, ni un soutien psycho-social. Si la victime était logée par l’employeur, aucun hébergement ne lui est mis à disposition. Dans le cas de la jeune femme brésilienne, elle a pu survivre grâce à la solidarité de particuliers et l’aide alimentaire de l’ASTI. 

Les migrants en situation de séjour irrégulier qui sont victimes de violence ou d’exploitation par le travail obtiennent rarement justice et, afin que cela change, il est essentiel de prendre en considération la particularité de leur situation.

Tout d’abord, il faut miser sur la prévention et donner les conditions aux concernés de pouvoir sortir du silence sans se mettre en danger: il serait important de garantir qu’une personne sans-papiers qui dénonce une situation de violence ou d’exploitation ne puisse pas, en conséquence, être expulsée dans son pays d’origine.

Sans cette garantie, ces personnes  en situation de vulnérabilité extrême  dans notre société ne dénonceront pas les violences dont ils sont victimes. Ensuite, il est essentiel de mettre en place un cadre pour protéger celles et ceux qui ont osé parler et qui se retrouvent dans des situations précaires.

Dans le cadre de l’Orange Week, qui touche à sa fin, et de la Journée des Droits de l’Homme célébrée ce vendredi 10 décembre, l’ASTI appelle à la mise en place de groupes de travail constitués des différents ministères concernés et du monde associatif. Cette collaboration est nécessaire pour que la réflexion sur les possibles solutions se fasse en toute connaissance de cause de la situation sur le terrain.

La lutte contre l’exploitation des migrants, tout particulièrement des femmes, et la violence à leur égard ne peut que réellement avoir lieu si on encourage activement les victimes sans-papiers à dénoncer leur situation sans qu’elles soient elles-mêmes criminalisées.

ASTI asbl

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