61% de refus d’asile pour les Afghans au Luxembourg : un changement brutal et injustifié au vu du regain alarmant de l’insécurité en Afghanistan.
Le départ des troupes américaines laisse la place aux ambitions des Talibans
Alors que la situation sécuritaire se dégrade dans le contexte du départ des troupes américaines en Afghanistan, la question n’est plus de savoir si les Talibans vont prendre le pouvoir mais comment ils vont le prendre. Aujourd’hui, le territoire afghan est en proie à une coexistence violente entre Talibans et armée régulière. Cela prolonge le climat d’insécurité pour les civils, dont les membres de la minorité Hazara, et menace directement, l’accès à l’éducation et l’espoir d’une paix durable.
Samedi 8 mai, plus de 85 personnes sont mortes, plus de 150 blessés, dont une majorité de jeunes adolescentes. L’attentat, qui visait une école fréquentée principalement par la minorité Hazara, n’est pas revendiqué. Les talibans ou l’Etat Islamique ? Ce n’est pas certain et malheureusement, il y a le choix !
La France a décidé en urgence de rapatrier 600 collaborateurs afghans qui ont directement coopéré avec la France comme s’ils s’attendaient à des représailles massives de la part des Talibans. L’Australie a décidé de fermer son ambassade jusqu’à nouvel ordre.
La chute vertigineuse du taux de protection des Afghans au Luxembourg
La situation sécuritaire chaotique en Afghanistan était reflétée au travers de l’octroi de la protection internationale des demandeurs de ce pays : quasiment tous les Afghans –à l’instar des Syriens- recevaient la protection internationale (90%). C’était ainsi depuis que la Cour administrative de Luxembourg, en janvier 2018 avait reconnu «une violence aveugle eu égard à la situation de conflit armé interne sévissant actuellement en Afghanistan».
En fin d’année 2019, alors que l’Afghanistan ne présentait aucune amélioration sécuritaire durable, le Ministre en charge de l’Asile a commencé à délivrer de nombreux refus aux demandeurs d’asile afghans.
Au point qu’en 2020, les décisions de protection internationale sont à 61% des refus (contre 7% en 2019 et 0% en 2018).
Il s’agit d’une rupture brutale qui ne trouve aucune justification sur le terrain afghan.
En 2021, la Cour administrative revient sur sa jurisprudence et expose désormais les personnes déboutées à une expulsion vers l’Afghanistan, en affirmant que « la situation en Afghanistan n’est point encore stabilisée et que de nombreux attentats ont été commis lors des dernières années, entrainant de nombreux morts et blessés, mais que la situation n’est pas telle que le seul fait d’être originaire d’Afghanistan et plus particulièrement, de la ville de Kaboul, [ … ] n’est pas suffisant pour qu’une protection subsidiaire soit automatiquement octroyée à un citoyen de ce pays et de cette ville ». Ces nouvelles décisions viennent confirmer la voie de l’expulsion vers l’Afghanistan.
Dans des refus de protection internationale, le Ministère n’hésite pas à présenter les Talibans comme des personnes tierces a priori pas forcément mal intentionnées : « Quand bien même des Talibans vous auraient recherché et qu’il y aurait un lien avec les critères de fond définis par la Convention de Genève et la loi de 2015 car vous auriez prétendument révélé leur lieu de séjour, on ignore quelles auraient été leurs intentions de sorte que vos craintes sont purement hypothétiques. Or des craintes hypothétiques ne sauraient justifier l’octroi du statut de réfugié ».
Nous avons vu beaucoup de familles arriver en panique dans nos permanences. L’ordre de quitter le territoire est très clair et beaucoup sont inquiets pour leurs enfants et pour eux-mêmes. Le risque est d’autant plus important qu’en cas d’expulsion, ces personnes risquent d’être persécutées en raison de leur exil vers l’Europe. L’expérience de telles expulsions par d’autres Etats européens confirme ces craintes.
Renvoyer des demandeurs de protection internationale déboutés vers l’Afghanistan, c’est les exposer à des persécutions plus que probables et à des craintes fondées pour leur sécurité. C’est faire tout le contraire de l’esprit de la Convention de Genève.
Ce communiqué s’inscrit dans le mouvement Afghanistan is not Safe et est signé par les organisations suivantes :
ACAT – Afghan-Lux community outreach – ASTI – CLAE – Open Home
Passerell – Time forEquality – Reech Eng Hand – Ryse
Ces organisations appellent le Ministre à porter un regard lucide sur la situation sécuritaire en Afghanistan, et un discours clair et rassurant pour les demandeurs de protection internationale présents au Grand-Duché.