La Chambre des Députés débattra ce jeudi 6 décembre du « Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières ». Le « hearing » aura lieu à 4 jours seulement de la Conférence intergouvernementale chargée de l’adopter à Marrakech, ce qui est regrettable. Un sujet aussi complexe et important, mériterait d’être débattu sur le fond et de manière sereine. L’ADR ayant proposé le débat sur l’agenda parlementaire, la tournure de celui-ci risque d’être empreint de démagogie.

Mais de quoi parle-ton quand on parle du pacte ?

En septembre 2016, l’Assemblée Générale des Nations Unies approuve – à l’unanimité – la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants. Conscients qu’aucun État ne peut gérer seul la question des migrations, tous ont été d’accord pour s’engager en faveur d’une coopération renforcée. Entretemps, aux Etats-Unis, le nouveau président décida d’abandonner les négociations du pacte, en phase avec son aversion envers tout ce qui ressemble à un soupçon de multilatéralisme.

Cette décision hautement regrettable aurait pu être l’opportunité pour l’Union Européenne de jouer un rôle moteur dans le processus et de se montrer à la hauteur de ses responsabilités et des valeurs auxquelles elle se réfère. Lamentablement c’est l’inverse qui s’est passé et pire encore! L’un après l’autre, plusieurs États-membres de l’Union se sont distancés du pacte et ont décidé de ne pas le signer, à commencer par l’Autriche qui, n’oublions pas, préside actuellement aux destins de l’UE. La Hongrie, la Pologne, la République Tchèque, la Bulgarie et l’Italie lui ont emboîté le pas, en criant haut et fort qu’il s’agit d’un document qui permettrait d’ouvrir grandes les portes de l’Europe aux « hordes » de pauvres migrants.

Mais c’est faux ! Tout d’abord, et malheureusement, parce que le pacte n’est pas contraignant, ce qui veut dire que les États ont le droit de l’appliquer ou non comme bon leur semble. C’est faux encore, parce que l’objectif du pacte est exactement le contraire : réguler les flux migratoires, ce qui permet de mieux contrer les migrations dites illégales. C’est toujours faux, car le pacte institue un ensemble de principes communs et d’engagements, y compris la gestion « des frontières de manière intégrée, sûre et coordonnée » ou la lute « contre les facteurs négatifs et les problèmes structurels qui poussent les personnes à quitter leur pays d’origine ».

Derrière les agitations populistes contre le pacte, se cachent une volonté de renier nos valeurs et d’induire le grand public en erreur !

Il est, par contre, vrai que le pacte déclare vouloir « faire en sorte que les filières de migration régulière soient accessibles et plus souples », pour contrer les migrations irrégulières et réduire le nombre de morts, combattre les passeurs et l’exploitation de migrants par des employeurs peu scrupuleux. Il est aussi vrai que le pacte reconnaît « qu’à l’heure de la mondialisation », les migrations « sont facteurs de prospérité, d’innovation et de développement durable et qu’une meilleure gouvernance peut permettre d’optimiser ces effets positifs ». Vouloir nier ces éléments factuels, comme le font les gouvernements populistes en Europe, équivaut d’abord à un déni de réalité et surtout à une instrumentalisation du pacte.

C’est cette instrumentalisation qui fait que les 10 et 11 décembre, lors de la rencontre à Marrakech, la communauté internationale va se rencontrer pour signer un document qui aurait pu être une réelle opportunité vers une coopération renforcée dans une matière difficile à aborder, opportunité qui a été tournée en flop, par ceux qui parient sur la division pour mieux régner.

Pour ce qui est de l’Union Européenne, qui devrait « faire preuve d’unité et s’exprimer d’une seule voix à l’appui d’un régime international fondé sur les droits de l’homme en matière de gestion de la migration. » [1], le constat d’échec est lourd et nos valeurs fondamentales remises en question !

Pour le Luxembourg, il est clair, qu’avec ou sans pacte, nous restons un pays d’immigration et les politiques doivent être en phase avec la réalité. Nous devons éviter des discours construits sur des fabulations importées de pays où les ennemis du « Vivre ensemble » et les idées populistes sont dominants.

Espérons que les députés à la Chambre sauront être à la hauteur de la responsabilité que leur confère leur mandat, qu’ils sauront se référer aux valeurs fondamentales qui nous unissent et aux contenus réels du texte.

Les députés ne doivent pas se laisser emporter dans une dérive identitaire, dans des discussions sur un contenu et les conséquences supposés du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières !

Donner la possibilité aux phantasmes xénophobes des populistes de se faire entendre, c’est leur offrir une plate-forme idéale pour diffuser leurs idées qui sèment la méfiance et la haine.

ASTI asbl

[1] Résolution du Parlement Européen du 18 avril 2018 sur les progrès réalisés sur la voie du pacte mondial des Nations unies pour des migrations sûres, ordonnées et régulières et du pacte mondial des Nations unies sur les réfugiés

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