Au 1er janvier 2017, nous étions 590.667 habitants au Luxembourg, dont 48% n’avaient pas la nationalité luxembourgeoise. Il est clair que la croissance démographique revient au premier plan grâce à une immigration soutenue. En 2016, notre solde migratoire fut de 9.446 personnes, soit 22.888 arrivées et 13.442 départs. Ainsi, presque 23.000 nouveaux résidents sont venus s’installer dans notre pays en 2016, bien plus que les 2.035 demandeurs de protection internationale, voire les 764 personnes qui ont obtenu le statut de réfugié pendant la même période.

L’ASTI a tout au long de l’année scolaire écoulée assumé ses responsabilités dans le vivre ensemble des populations résidentes au Luxembourg !

Dans le cadre des projets financés par l’Œuvre Nationale de Secours Grande Duchesse Charlotte (projets Mateneen et Connections) l’ASTI a :

  • accueilli 450 personnes dans ses cours d’apprentissage de l’alphabet latin et de la langue française, où plus de 70 bénévoles sont intervenus pour établir un contact entre réfugiés et la société luxembourgeoise ;
  • publié le dictionnaire élémentaire français/arabe/luxembourgeois, « Lëtzebuerg – petit guide pour comprendre le pays qui vous accueille », l’initiation à l’alphabet latin pour réfugiés arabophones, le dictionnaire français/luxembourgeois /farsi-dari, la brochure « Bienvenue au Luxembourg » pour les personnes arabophones ;
  • formé 75 personnes dans le cadre du projet Connections dont l’objectif est de préparer les demandeurs ou bénéficiaires de protection internationale au marché de l’emploi au Luxembourg.

Plus d’un millier de personnes ont participé à nos tables de conversation en langue française et luxembourgeoise, à nos cafés des langues, nos formations pour bénévoles les préparant à la pratique de la langue, aux nombreuses séances d’information sur la loi d’immigration pour professionnels, aux séances de sensibilisation à la loi d’asile pour bénévoles et pour demandeurs de protection internationale, au projet de coaching à l’intégration des bénéficiaires de protection internationale, ont bénéficié du soutien de notre « Guichet Info Migrants » pour des questions d’accès au séjour, de l’aide de notre écrivain public, etc…

Toutes ses activités ont été possibles, d’un côté, grâce aux nombreux bénévoles et donateurs et, de l’autre côté, au soutien financier, entre autres, de l’OLAI et du fonds européen AMIF.

Notre travail politique fut marqué par :

  • l’organisation de la chaîne de solidarité le 8 juillet, où une grande chaîne humaine allant de la place Clairefontaine au Ministère des Affaires Etrangères, composée de centaines de bénévoles engagés au sein de la société civile, a montré notre engagement en faveur de l’ouverture et de la solidarité avec les personnes qui viennent chez nous pour chercher la sécurité et contre le discours xénophobe et raciste ;
  • de nombreux avis sur des projets de loi – comme ceux sur la naturalisation, le CET, le REVIS ou celui visant à étendre la durée maximale de rétention pour familles accompagnées de mineurs, passant de 72h à 7 jours et instaurant une autorisation de séjour pour investisseurs… – ont été émis ;
  • son engagement au sein du «Lëtzebuerger Flüchtlingsrot » (LFR) qui pointe les déficits de notre politique d’accueil et d’intégration des réfugiés
  • son engagement à la plateforme « Migration et Intégration » (MINTE) qui a émis, dans le cadre des élections communales, des propositions à l’intention des partis en faveur d’un vivre ensemble au niveau local ;
  • nos prises de position sur la politique d’intégration, l’inscription aux élections communales, sur les mesures à promouvoir dans le cadre d’une politique communale, etc…

Pour 2017/2018, nous allons continuer ces efforts et renforcer nos activités notamment auprès des communes qui souhaitent mieux intégrer leurs nouveaux arrivants et leurs signataires du contrat d’accueil et d’intégration CAI.

Tout au long de l’année, l’ASTI a constaté l’acharnement des racistes, des ultra-nationalistes qui ont épanché leur discours de haine sur les réseaux sociaux. L’ASTI a pu constater que la Justice a joué son rôle, regrettant que le Centre pour l’Égalité de Traitement n’ait toujours pas d’outils pour lutter contre la discrimination envers les individus d’autres nationalités.

Nous resterons vigilants, très vigilants sur la façon dont les défis que représentent l’accueil et l’intégration des étrangers sont abordés. L’ASTI ne manquera pas d’interpeller les responsables politiques au cours des mois à venir et ne manquera pas non plus de leur soumettre ses réflexions et propositions.

LES REFUGIES

Actuellement, nous avons une loi d’asile qui ne répond plus à la situation à laquelle le pays s’est vu confronté à partir de 2015. Le volet « autonomisation » des demandeurs de protection internationale a été retiré en dernière minute sans avoir été reprise par la suite par le Gouvernement.

La loi sur la reconnaissance des diplômes a été votée sans que l’on se soucie de faciliter la reconnaissance des qualifications des personnes qui ont obtenu l’asile au Luxembourg.

Le nouveau dispositif créé par l’exécutif, le PIA (Parcours d’intégration accompagnée) doit débuter à cette rentrée. Or, les détails d’exécution n’ont toujours pas été rendus publics.

L’accueil des demandeurs de protection internationale fonctionne malgré les nombreuses résistances au niveau local.

Mais l’intégration est négligée ; aucune recherche active de solutions pour l’intégration de ces populations n’est faite.

Alors on se remet à la société civile….

Les énormes efforts déployés par la société civile et soutenus financièrement par l’Oeuvre Grande-Duchesse Charlotte, ont permis de développer beaucoup d’initiatives et de projets d’accueil et d’intégration des réfugiés. Se pose maintenant la question de la continuité de ces projets. Le Gouvernement actuel va-t-il assurer leur pérennité ? Peu ou pas de déclarations officielles sur le soutien de l’Oeuvre à tous ces projets n’ont été faites. Le gouvernement serait-il en manque d’imagination pour assumer ses responsabilités ?

Aucun des partis politiques ne s’est vraiment rallié derrière les actions de la société civile !

Nous interpellerons les partis politiques, le gouvernement pour se positionner politiquement en vue de l’intégration des réfugiés reconnus en tenant compte des expériences et projets menés par la société civile.

L’INTEGRATION

Dans le programme de coalition, le Gouvernement a déclaré qu’il « prendra les mesures nécessaires pour renforcer la politique d’intégration des étrangers notamment sur base des actions et recommandations tirées du rapport quinquennal 2009-2013. » Pourtant, l’ASTI constate qu’il n’existe à l’heure actuelle aucun plan d’action national d’intégration et de lutte contre les discriminations, le dernier ayant couvert la période 2009-2013. Or, selon la loi, ce plan sert à identifier « les principaux axes stratégiques d’intervention et les mesures en cours et à mettre en œuvre.» suite auquel « le Gouvernement présentera une stratégie globale et déterminera des mesures ciblées d’intégration et de lutte contre les discriminations ». Qu’en est-il des intentions déclarées par le gouvernement ?

Dans le même programme, le gouvernement déclare qu’il est « Conscient de l’importance de la langue luxembourgeoise comme instrument d’intégration et de cohésion sociale, le Gouvernement renforcera les possibilités d’apprendre la langue luxembourgeoise. Dans ce contexte, les dispositions concernant le “congé linguistique” seront évaluées ». L’ASTI se demande quels sont les avancements à ce sujet ?

Le nouveau Conseil National pour Étrangers CNE vient d’être élu, sans qu’une évaluation n’ait été faite du fonctionnement du CNE précédent. L’absence totale de cet organe du débat public et ses difficultés de fonctionnement notoires, l’a plongé jusqu’à présent dans l’inexistence. Il reste qu’à ce jour sa première réunion n’a toujours pas été convoquée.

Face au refus d’accorder le vote législatif aux résidents étrangers, cet organe est un des seuls moyens actuels de représentation des étrangers.

L’ASTI continuera à être une force de propositions politiques pour favoriser l’intégration et inclure les étrangers aux réflexions politiques luxembourgeoises.

L’EDUCATION

Un des éléments essentiels pour que l’intégration puisse se dérouler de la meilleure façon possible, est la réussite scolaire.

L’ASTI a l’impression que, depuis 40 ans, tout a été discuté, étudié, recherché, réfléchi et acté. Des évaluations sans conséquences, des recherches sans suites et des projets-pilote sans pérennisation, sont le quotidien du secteur de l’éducation au Luxembourg. Depuis des décennies, gouvernements et professeurs se renvoient la balle quant aux responsabilités.

Les initiatives d’écoles et de lycées à vocation internationale se multiplient, mais elles intéressent avant tout les milieux avertis et favorisés. La scolarisation des enfants de couches sociales peu favorisées et leur promotion sociale – n’est-elle plus à l’ordre du jour ?

En 2003 le taux d’enfants d’origine étrangère obtenant le bac classique s’élevait à 14,1%, en 2014 on atteignait 15,5%, alors qu’ils représentaient 49% de la population scolaire, ce qui n’est pas vraiment une avancée, malgré les moyens financiers énormes mis en œuvre. Ceci montre que l’école luxembourgeoise n’est toujours pas une école pour tous les enfants du pays.

L’ASTI reste attentive aux résultats des réformes entamés par le Gouvernement et aux répercussions pratiques pour l’égalité des chances au sein de l’école publique luxembourgeoise.

LE LOGEMENT

Tout le monde est d’accord sur le diagnostic : l’accès au logement est le problème le plus urgent du pays. Un problème qui affectait, jusqu’à il y a peu de temps, en premier lieu ceux qui viennent de l’étranger vivre dans notre pays et qui affecte, aujourd’hui de plus en plus, de citoyens luxembourgeois.

La folie des prix sur le marché de l’immobilier rend l’accès à un logement presque un luxe! Pour nous, l’Etat ensemble avec les communes, ont l’obligation d’assurer le droit fondamental à un logement, au même titre que l’éducation ou la santé. Comme pour l’éducation, le courage politique manque.

Signe de la faillite d’une vraie politique de logement envers les migrants, est le phénomène des marchands de sommeil. Nous allons interpeller les autorités sur cette matière dans les prochains mois.

LA PARTICIPATION POLITIQUE

Le Luxembourg reste confronté à un problème de déficit démocratique, n’en déplaise aux électeurs de la consultation de 2015 ! La solution miracle prônée de l’accès à la nationalité ne résoudra pas ce déficit – même le ministre Félix Braz l’a avoué à la Chambre.

Les chiffres des inscriptions sur les listes électorales communales révèlent que seuls 34.634 électeurs sont étrangers sur un total de 249.943.

L’ASTI constate l’engagement de bon nombre d’étrangers parmi les candidats aux élections communales, même si le manque d’information sur les résultats de la campagne Je Peux Voter laisse deviner que l’objectif d’inscrire un large nombre d’étrangers résidents sur les listes électorales se solde par un échec.

Les principales raisons de l’absence des étrangers dans la Politique sont diverses et multiples :

  • le manque de confiance des citoyens dans nos politiques,
  • la situation linguistique particulière,
  • la persistance de barrières effectives à la participation ainsi que le maintien de l’exigence de 5 ans de résidence sur le territoire pour l’inscription, qui est un délai discriminatoire – la motion votée par presque tous les partis en 2011, qui visait à revoir voire réduire ce délai, n’a à ce jour pas eu de suite.

Si les raisons de cette faible participation sont diverses et multiples, les solutions doivent l’être aussi, tant au niveau communal que national.

Pour augmenter la participation du plus grand nombre et accroître la légitimité et la représentativité de nos décideurs ainsi que la qualité des décisions prises, nous préconisons entre autres de:

  • proposer systématiquement aux étrangers de souscrire le Contrat d’Accueil et Intégration CAI, avec une offre accrue de cours de langues et de cours d’éducation civique et politique ;
  • réformer le Conseil National pour Etrangers CNE en lui donnant une légitimité plus large ;
  • conférer à la Chambre des Salariés, qui représente au mieux la population active, dont aussi les frontaliers, le pouvoir d’initiative législative ;
  • créer des mécanismes d’initiative législative populaire qui permettent à un ensemble de citoyens de soumettre à la Chambre des Députés des propositions de loi ;
  • favoriser le trilinguisme caractérisant le Luxembourg, en recourant systématiquement à plusieurs langues dans la communication externe et interne des partis politiques

La participation politique n’est certes pas la panacée pour tous les problèmes – il suffit pour cela de voir encore à quel point les femmes restent discriminées alors qu’elles ont depuis de nombreuses années le droit de vote !

Mais l’implication du plus grand nombre dans les décisions qui nous concernent tous, favorise la qualité de ses décisions et, en ultime instance, la cohésion sociale !

Nous renouvelons notre engagement pour une société diverse et solidaire et continuons à être une force de propositions au débat sur le mieux vivre ensemble !

Le conseil d’administration de l’ASTI asbl.

Luxembourg, le 14 septembre 2017

Le communiqué en PDF

 

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